Législation française sur la distillation

Je distille à l'atelier communal d'Arc et Senans les fruits issus de mon verger. Après quelques questions d'amis et de connaissances sur le droit de distiller, j ai décidé de faire un petit topo résumant la législation française à ce sujet :

Visitez le site de l'Association Française des Récoltants de Fruits et des Syndicats de Bouilleurs de Cru Franche Comté - Bourgogne

La législation sur la distillation est assez mal connue en France. Il y a beaucoup de préjugés et de confusions.

Voici quelques éléments de réponse (cela ne concerne pas les distilleries professionnelles, car elles ont une réglementation différente). Le droit local en Alsace Moselle n'est pas évoqué ici car différent également. Pour plus d'infos, se renseigner auprès du service des douanes et droits indirects de son département.

Je rappelle que la consommation d'alcool doit se faire avec modération. Attention à votre santé et à celle des autres.

Photo : alambic communal d'Arc et Senans

Différence entre bouilleur de cru professionnel et privilège de bouilleur de cru.


Le bouilleur de cru professionnel possède un alambic (déclaré aux douanes bien entendu) et distille les fruits des gens. C'est sa profession. Les gens paient des taxes et paient aussi son savoir faire. L'alambic se déplace de village en village. Cela se fait couramment en Auvergne, dans les Pays de Savoie, un peu dans le Jura.

Le privilège de bouilleur de cru : C'est un privilège que certaines personnes possèdent. Ils ne paient pas les 1000 premiers degrés d'alcool produit annuellement (ceux qui n'ont pas le privilège paient ces 1000 premiers degré à moitié prix) . Il n'est pas nécessaire d'avoir le privilège pour pouvoir distiller en France. Ce droit n'est plus transmissible de père en fils.


L'origine de ce droit remonte à Napoléon et les derniers à le posséder sont souvent retraités et du milieu agricole. Plusieurs projets de suppressions du privilège ont été discutés à l'Assemblée Nationale, mais ce sujet est sensible et la décision a été reportée en 2012 (elle a déjà été reportée à de maintes reprises): Cependant la suppression du privilège n entraîne pas la fin de la distillation car chaque propriétaire pourra distiller ses fruits en payant des taxes.

Législation sur les alambics 

En France, il est interdit de fabriquer, de posséder et d'utiliser un alambic sans autorisation préalable. Chaque alambic est enregistré auprès des douanes et droits indirects. Les alambics communaux sont également enregistrés et sont plombés hors période de distillation.

Qui peut distiller en France ?

En France les propriétaires de parcelles classées en verger et vignes sur le cadastre peuvent distiller le produit de leurs parcelles. Les propriétaires d'alpages ou de prés en altitudes peuvent distiller les racines de gentiane s'y trouvant.

La distillation doit se faire légalement dans un atelier public ou bien auprès d'un bouilleur de cru professionnel. Beaucoup de communes comtoises possèdent un atelier de distillation, cependant il est possible de distiller dans une autre commune du canton, voir même du canton limitrophe. Il faut réserver l'alambic. Pour les néophytes, il est souhaitable d'être aidé lors du premier usage de l'alambic.

Il y a possibilité également d'avoir une procuration pour distiller. Je m'explique : votre voisin (ou votre oncle, collègue de travail) possède un verger. Vous récoltez les fruits et les faites fermenter (chez lui, au pire chez vous). Il fait la déclaration au douanes pour distiller et vous donne procuration pour accomplir la distillation (partie à remplir sur le doc). Il paie ensuite les taxes.

Donc vous avez distillé légalement. Ensuite rien n'empêche, que pour le travail accompli, votre voisin vous donne une partie de l'eau de vie, voir la totalité (le dédommager des taxes) mais la c'est un arrangement que chacun fera à sa libre volonté.

Classement d'une parcelle en verger

Il faut être propriétaire d'un verger ou d'une vigne pour distiller. La nature du terrain doit être mentionnée sur le cadastre. Il y a possibilité de changer la nature du terrain en prenant contact avec le cadastre. Un formulaire est à remplir. Il ne vous reste qu'à planter des arbres fruitiers dessus. Vous aurez ensuite le plaisir de distiller et consommer votre eau de vie (avec modération ).

Déclaration de distillation

Il faut obligatoirement effectuer une déclaration de distillation avant de distiller. Un document est à demander auprès des douanes ou à la mairie de votre lieu de résidence.

Sur ce document, il faut mentionner le numéro de parcelle où se trouve les arbres fruitiers, la commune de la parcelle et la commune où se fera la distillation, la nature des fruits à distiller et le volume (par exemple 100 kg de pruneaux, 180 litres de cidres), la date et les heures prévues de distillation (Du Lundi au samedi, sauf dimanche et jours fériés, de 06h00 à 19h00 du 1er octobre au 31 avril, c'est affiché en mairie). Il faut envoyer ce document aux douanes.

Les douanes retournent ensuite un document autorisant à distiller, à circuler avec l'alcool et les fruits le jour de la distillation. Sur ce document, on doit mentionner l'heure de début, l'heure de fin de chaque passe à l'alambic, les quantités mises dans l'alambic et le nombres de litres et le degré d'alcool produit.

Il n'y a pas de rendement imposé (sauf en Alsace Moselle ou le paiement des taxes est anticipé). Cette case est présente sur le document, mais le service des douanes ne le coche pas. Cependant, il faut être logique et ne pas déclarer avoir produit un seul litre d'eau de vie à 45° avec 100 kilos de fruits de qualité au départ.

Paiement de taxes

- Les personnes ayant le privilège ne paient pas les mille premiers degrés (soit 20 litres d'eau de vie à 50°). Ils paient à partir du 1001ème degrés 14€50 par litre d'alcool pur. Ces personnes économisent jusqu'à 72,50€

- Les personnes qui n'ont pas le privilège paient les 1000 premiers degrés 7€25 le litre d'alcool pur. Puis à partir du 1001ème degrés 14€50 par litre d'alcool pur. Il y a un rabais de 10% en cas de paiement dans les trois jours après la distillation.

- Location de l'alambic : Chaque commune fixe un prix de location à la journée de l'alambic : cela prend en compte l'eau utilisée, l'électricité, l' entretien...

Contrôle des douanes

Les douanes peuvent contrôler à plusieurs niveaux :

- Vérification que la parcelle en question est bien inscrite au cadastre en verger, vignes. Vérification du propriétaire.

- Vérification sur le terrain que les fruits déclarés proviennent bien d'un arbre de la parcelle (si vous distillez des pruneaux, alors que votre verger ne possède pas de pruniers.....). Si vous devez abattre des arbres fruitiers, faites le après la distillation de leur fruit.

- Le jour de la distillation : les douanes vérifient la quantité et la nature des fruits mis en œuvre, la quantité d'eau de vie et le degré alcoolique obtenu. Ils vérifient également la bonne tenue de la feuille de déclaration (les heures de remplissage de l'alambic sont à compléter avec la quantité d alcool produite)

Mon prix de revient (à titre indicatif)

J'ai calculé approximativement le prix de revient d'un litre d'eau de vie que je produis (à 45°). J'inclus dans ce calcul la location de l'alambic communal, les taxes sur l'alcool, l'amortissement de mon matériel (tonneaux, bonbonnes, bouteilles...), le casse croûte, le bois de chauffage. Il est vrai que je ne compte pas mes heures passées, mais c'est pour le plaisir (il ne faut pas l'oublier).

Finalement, cela me revient à environ 10 à 12 € le litre d'eau de vie à 45°. C'est une somme, peut être, mais les prix pratiqués dans le commerce ne sont pas plus bas. Pour info, cela ne sert à rien de ne pas déclarer aux douanes un ou deux litres d'alcool, car le risque est bien élevée pour ce geste qui révèle plutôt de la radinerie mal placée.

Cela à un coup, mais on agit dans la légalité, on peut en parler et goûter notre produit avec n'importe qui, on fait vivre et on maintient à la conservation d'un patrimoine qui tend à disparaître.

Notion de patrimoine rural à conserver

La distillation permet indirectement le maintien est la conservation des vergers, élément trop souvent oublié du patrimoine rural. De nombreuses espèces de pommes, de poires, de cerises, de prunes... ont été élevées et sont des spécificités propres à notre région.

Il faut préserver également le savoir faire, autant dans la préparation des fruits que dans la conduite de la distillation.

A nous de maintenir ces traditions.

Je rappelle que la consommation d'alcool doit se faire avec modération. Attention à votre santé et à celle des autres.